Interview

Rencontre avec Roei Amit, directeur adjoint en charge du Numérique à la Réunion des Musées Nationaux au Grand Palais qui nous présente la nouvelle exposition du Grand Palais.

Qu’est-ce que représente l’expo Pompéi pour toi ?

L’exposition Pompéi présente beaucoup d’éléments numériques : c’est à la fois une exposition immersive et digitale. La création de cette exposition résulte d’un long processus débuté avec la rencontre de Gédéon qui, depuis 3 ans, a programmé et effectué le suivi des dernières fouilles à Pompéi dans le but de produire un documentaire. On s’est alors dit qu’il y avait là matière formidable pour réaliser une exposition.

Cela nous a permis d’imaginer une nouvelle typologie d’expo à présenter au public. Le Grand Palais a déjà proposé des expériences immersives avec notamment l’exposition Sites Éternels, à propos des sites archéologiques détruits au Moyen-Orient. On a aussi accueilli d’autres formes, notamment des installations artistiques à très grande échelle comme celle de Wim Wenders ou Bill Viola. Il y a donc un historique dans la réalisation d’expositions de différents types au Grand Palais.

L’expo Pompéi a la particularité de pousser plus loin l’exposition immersive et numérique. Elle exporte davantage la mise en scène, la mise en espace et la mise en architecture des médias de natures différentes qui sont présents. Les premiers médias sont les objets présentés dans l’exposition qui viennent de Pompéi et autour d’eux s’articulent d’autres formes pour proposer une nouvelle expérience au visiteur.

Qu’est ce qui a motivé le choix d’une exposition immersive par rapport à une exposition classique ?

Je pense qu’il n’y a pas de dichotomie très claire entre une exposition immersive et une exposition classique, car ce sont des objets qu’on utilise pour décrire des objets. Il est possible de dire que toute exposition est immersive au sens où nous rentrons dans un espace et une scénographie pour découvrir des œuvres. Il est vrai que l’exposition Pompéi va beaucoup plus loin dans la sensation qu’elle procure au visiteur.

L’architecture et l’espace participent entièrement à raconter l’histoire. En l’occurrence, l’artère principale est une rue pompéienne qui traverse l’espace et le divise. Dans une première partie on découvre le Pompéi ancien, celui d’avant l’éruption. Dans une deuxième partie, on se retrouve dans un Pompéi contemporain, celui des fouilles et des touristes. Les deux parties sont séparées par un amphithéâtre positionné devant le Vésuve. Cette rue dessert ensuite des domus (des maisons) où il y a différents types de contenus et d’interactions.

Cette construction est entièrement animée par d’immenses projections, ce qui crée une ambiance particulière. La présence du visuel est essentielle mais l’espace sonore est tout autant travaillé pour stimuler les sens de l’ouïe autant que de la vue et ainsi nous immerger entièrement.

Quel a été le plus grand défi dans la réalisation de cette exposition ?

Nous avons dû faire face à plusieurs défis. Dans un premier temps, il a fallu s’assurer de l’adhésion de tous les partenaires à ce projet, que ce soit le commissaire du parc archéologique de Pompéi, Massimo Osanna, nos propres équipes créatives et de productions appliquées. Tout le monde a senti le potentiel du projet, mais ce n’était pas évident car nous n’avions pas vraiment de comparatif. Il a donc fallu convaincre que cela valait le coup.

Nous avons ensuite dû faire face au défi de la production. En effet, on est sur plusieurs centaines de mètres carrés de production, où on mélange des médias de nature différente : il y a des objets, des prises de vues réelles, des images reconstituées en 3D, des images de drones, des images de très haute définition, statiques ou en mouvement, et des images de synthèse. Il fallait imbriquer de manière cohérente tous ces médias pour magnifier les objets présentés. C’est d’ailleurs le plus intéressant, parce que c’est un défi créatif qui fait appel à différents métiers : le scénographe Sylvain Roca, le réalisateur Olivier Brunet et Olivier Lafuma qui a fait la composition et l’ingénierie du son. L’équipe technique a réalisé un vrai travail de qualité.

Le troisième défi est lié à l’actualité sanitaire. On a été obligé de fermer le chantier de l’exposition une semaine avant le vernissage. Pour la petite anecdote, je me rappelle que le jour de l’annonce du confinement, on a fait une réunion de crise autour de la fermeture du chantier. Les portes extérieures étaient déjà fermées au public. Il nous a fallu mettre les œuvres déjà présentes au Grand Palais dans les coffres, savoir quoi proposer pendant la fermeture, avec en outre des incertitudes assez importantes. Heureusement, grâce aux nombreux formats numériques de l’exposition et à la conception panoramique à 360° de la visite, nous avons pu présenter très rapidement des contenus de qualité en ligne. Mais ce n’est pas la même expérience que ce que l’on propose sur place au Grand Palais à partir du 1er juillet, qui est beaucoup plus riche !

Considères-tu que ce format d’exposition est un format d’avenir ?

Je pense que ce format a beaucoup d’avenir devant lui. Est-ce “le format” d’avenir ? Je ne saurais pas dire. Je ne pense pas. Il y aura toujours des expositions d’objets, des expositions de Beaux-Arts, de créations d’artistes et c’est formidable que cela continue. Avec l’expo Pompéi, un nouveau format est proposé, qui raconte des histoires, informe et crée des émotions. Je pense que les expositions le montrent et démontrent : c’est un format valable. Ça nous donne forcément envie de continuer à l’explorer.

Toutes les équipes concernées par la production d’expositions sentent qu’on a encore beaucoup à explorer, imaginer et innover. Avec les outils d’aujourd’hui qui ne cessent de progresser, ça nous motive davantage à faire ce que l’on fait depuis toujours : présenter l’art et raconter des histoires, mais avec de nouvelles manières de transmettre.

Tu parles d’émotion, et Pablo considère qu’une exposition rime avec émotion justement. Quelle est ton émotion ?

Je dirais qu’il y a trois types d’émotions autour de l’exposition Pompéi qui est d’ailleurs, comme toute exposition, découverte pour la première fois à la dernière minute. En effet, c’est une exposition unique et inédite, dont nous avons vu des morceaux et validé chaque stade de création sans avoir jamais vécu l’expérience dans sa totalité. Et là, nous la découvrons dans son entièreté, 12 heures avant l’ouverture des portes au public, et c’est beaucoup d’émotions.

Ce qui me surprend d’autant plus dans cette exposition c’est le sentiment très agréable, confortable, apaisé lorsqu’on se promène dans cet espace. Il est très juste dans la manière dont il est agencé, aussi bien en termes de volumes qu’en termes de projections de vidéo et de son. On se sent immédiatement à l’aise. Je n’ai pas d’autres mots, il faut le vivre pour le sentir.

Enfin, l’exposition s’inscrit dans une temporalité et donc dans un rythme, dynamique et évolutif au fil de la visite. On passe alors d’un état émotionnel à l’autre et on atteint l’apogée lors de l’éruption du Vésuve qui a lieu toutes les quinze minutes.

Propos recueillis sur site de l’exposition © Amanda Esnault/Pablo ©museum-week ©Rmn-Grand Palais, 2020